1
Marine
Marine
calme bleu
sur la mer immobile
Marine aux doigts d’argile
qui creusent
des sillons sur mes lèvres
et déracinent
les brumes hostiles
tu fais germer
les herbes de ma bouche
tu délivres les couleurs
emprisonnées
dans le corps
d’une seule saison
Marine bleue
encore ce soir
mon chant soufflera
son ultime confidence
dans l’oreille
de la mer immobile
2
Lèvres sur le neige
Lèvres sur la neige
brillantes et chaudes
Lèvres que je caresse
avec des doigts sans âge
une main affamée
rude et sauvage
Sur la paume sablonneuse
s’évapore le fumet du soleil
Je suis l’air
plié
3
Voltige
Voltige intemporelle
Souffle de l’immortel visage
qui déroule
ses méandres volubiles
dans le gris des songes
emmêlant sa chevelure
autour de l’oubli
Et ses vagues troublantes
désertent l’océan de la mémoire
et vont se dénuder
au-delà de l’horizon visible
et pénètrent dans mon corps
avec les dents
du feu
que je réclame
4
Le silence veille
Je couche le silence
sur la feuille du jour
et ne me lasse pas
de le voir cahoter
parfois
dans les herbes
hautes et mûres
d’une fenaison nouvelle
Étrange paysage
que personne n’habite
seulement une lumière
aux multiples visages
que cerne
la nuit obstinée
Et le silence veille
infatigable
et angoissant
Souvent
je l’entends
se plaindre
d’une douleur secrète
d’un relief
indéfinissable
5
Sur le rivage du temps
Ce cœur
paisible et solitaire
c’est une cloche
vieille
dans un beau paysage
Son regard
tourné
vers le beffroi de la mémoire
ébranle
l’invisible battant
Que d’étoiles vagabondes
carillonnent
que de sons désespérés
déferlent
et s’évaporent
sur le rivage du temps
6
L’heure immobile
Aiguille dressée
secouée
par les vagues
de son corps alangui
Elle dérive
entraînée par le spectre
d’un irrésistible retour de son aube
C’est une fleur de l’âme
dans un vase sans eau
mais son parfum sonore
berce toujours l’abeille
qui butine l’heure immobile
2006-2009
L’heure immobile
Ayant bu des mers entières, nous restons tout étonnés
Que nos lèvres soient encore aussi sèches que des plages.
Et toujours cherchons la mer pour les y tremper sans voir
Que nos lèvres sont les plages et que nous sommes la mer.
Attâr, Nichâpour, 1220